25 ANS DE GREFFE … ÇA SE FÊTE !

 

 

 

EN 1989, J’AI ÉTÉ GREFFÉ D’UN REIN ET D’UN PANCRÉAS, CELA FAIT DONC 25 ANS CETTE ANNÉE.

 

 

C’est l’occasion pour moi de donner de l’espoir à tous ceux qui se mobilisent en ce moment pour le Télévie, qui fête également ses 25 ans. Cette double transplantation était la seule voie possible pour retrouver une santé qui se dégradait au fur et à mesure que les complications du diabète faisaient leurs ravages : problèmes de polynévrite, de vue et … les reins qui lâchent avec la dialyse en perspective. Mon médecin diabétologue m’envoie chez un néphrologue qui me dirige vers le professeur Squifflet qui revenu des Etats-Unis pratique cette double transplantation. Adieu régime sans sel, régime sans sucre ! Adieu malaise hyper et hypo glycémique ! Finies les injections d’insuline matin, midi et soir.

 

Tout se passe très vite. A l’époque (89), point d’internet, mail ou Gsm. 8h45 c’est l’heure de la rentrée en classe, les rangs se forment dans la cour de récréation. « Monsieur le directeur, on vous appelle au téléphone .. . » C’était lundi 29 mai 89, le lendemain de la Fancy-Fair, ma journée était très chargée, remise en ordre, remettre les comptes et bilan de la fête, j’étais membre du jury pour les examens de l’école hôtelière. C’était l’appel que j’attendais depuis 2 mois (Je devais donner un numéro de téléphone lors de tous mes déplacements afin de pouvoir à tout moment me contacter). On m’attendait à Bruxelles vers 11 h car un donneur compatible décédé le W-E avait décidé de donner ses organes et permettre ainsi de sauver d’autres vies. Arrivés vers 10h30 au centre de transplantation, l’hélicoptère décolle afin d’aller prélever les organes pendant que l’on me prépare à cette lourde intervention.

 

Elèves et parents que j’avais pour la plupart rencontrés la veille à l’occasion de la magnifique fête enfantine furent sensibilisés au don d’organes … 24 jours après, j’étais rentré chez moi, mes enseignants vinrent me saluer avant de partir en vacances. Le 1er septembre, j’assurais la rentrée scolaire. Voici 25 ans qu’a débuté une vie nouvelle jonchée de contrôles réguliers et de prises régulières de médicaments qui ne m’empêchent ni de poursuivre des activités de loisirs (voyages, vacances, cyclotourisme), ni d’être à l’abri d’une chute, d’une fracture ou d’une infection.

 

25 ans avant ma transplantation, en 1965, quelques mois après notre mariage je suis devenu diabétique. Jeune instituteur, je fus hospitalisé une semaine pour mettre au point le traitement de cette triste maladie dont on espère trouver un jour le moyen de l’éradiquer. Grâce à un régime drastique, à heures régulières, et aux injections d’insuline journalières (à l’époque, les seringues étaient en verre et on devait les faire bouillir pour les stériliser) j’ai poursuivi ma carrière sans congé de maladie profitant de mes vacances pour les mises au point du traitement. Je contrôlais cependant mal ma glycémie car les lecteurs de glycémie ne sont apparus que début des années 80 de même que le stylo à insuline. Une rétinopathie m’obligea à subir des traitements de la rétine au laser et la néphropathie un régime sans sel pour repousser au maximum la dialyse. Cette machine qui purifie le sang durant 3 à 4 heures 3 fois par semaine me faisait très peur, j’ai opté pour la greffe.

 

Je me revois encore face au transplanteur à discuter longuement, le pour et le contre, les risques et les espérances de réussite, assis durant 4 heures dans la salle de bain de la clinique pour ne pas être dérangé (3 mois plus tard, j’étais greffé). Durant le congé du carnaval, les différents examens confirment mon inscription à la double greffe rein-pancréas. Le professeur me dit de profiter des vacances de Pâques en Provence pour me reposer. La longue attente d’un coup de téléphone m’annonçant que des organes compatibles étaient disponibles commençait.

 

Une fois greffé, les suites ne sont pas toujours faciles. On est fragilisé par le traitement immunosuppresseur. Le contrôle de la fonction des organes greffés se fait régulièrement au moyen d’une prise de sang et d’une analyse d’urine. La prise de cortisone fragilise les os .Interviewé par la RTB avant notre départ à Vancouver aux jeux mondiaux des transplantés, une voiture quittant son parking me renverse : fracture du tibia, lors de mes entrainements, je fis quelques chutes : fracture de l’olécrane droit, puis gauche et du fémur. En 99, suite à plusieurs cystites chimiques consécutives requérant le placement d’un cystocath, je fus réopéré afin de dévier les enzimes pancréatiques vers les intestins. La peau est également à surveiller de près, pas d’exposition prolongée au soleil, port de la casquette recommandée en tout temps : plusieurs cancers de la peau apparus sur le visage, les mains et les avant-bras ont été traités par chirurgie. En 2009, j’ai subi une lobectomie du poumon droit et mon traitement antirejet fut revu et modifié afin de limiter les effets secondaires des médicaments. Je voudrais souligner, outres les critères médicaux, le rôle prépondérant de l’entourage,(une mention spéciale pour mon épouse qui m’ a soutenu durant ces 50 ans), du milieu familial, de l’hygiène et du mode de vie, du caractère et du tempérament du candidat à la greffe et de l’observation dans son milieu de vie, de sa joie et de son envie de vivre. Le moral, c’est la garantie de 50% de réussite.

 

Membre de la Ligue en faveur des Insuffisants Rénaux, j’y ai été actif et, durant 5 ans en tant que Président, je me suis attelé à rédiger la 1ère édition du « Candidat à la greffe » et je me suis engagé en témoignant dans les écoles. Membre fondateur de l’Associations Sportive Belge des Transplantés, j’ai participé à 3 Jeux Mondiaux à Montréal au Canada en 93, à Manchester en Angleterre en 95 et à Sydney en Australie en 97 dans des épreuves cyclistes aux côtés de greffés du cœur, du foie et du poumon. Je voudrais de plus rendre hommage, et on ne le fera jamais assez, bien sûr au travail d’équipe du personnel de la clinique, mais surtout à ces donneurs inconnus et anonymes qui ont eu la noblesse des gestes silencieux… et me battre contre la réticence de tous ceux qui pour des motifs religieux, superstitieux ou plus prosaïquement, pour préserver une certaine intégrité, ont encore bien du mal à imaginer que la mort peut prolonger une autre vie.

 

Je souhaite aujourd’hui à tous les transplantés, pour l’avoir vécu à Vancouver, Manchester et Sydney, la joie immense et intense de se sentir ensemble réunis, main dans la main, par cette grande chaine de solidarité humaine des receveurs qui remercient leurs donneurs.

 

Baudouin Dardenne Greffé rein-pancréas 89.